La Visitation

A Querrien le Père Guillevic nous a parlé de certains aspects de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth qui nous font rentrer dans la démarche même de La Troménie de Marie.

Évangile de la Visitation

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.

D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?

Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie s’est mise en route pour chanter les louanges du Seigneur.                                     

Apprenant qu’elle serait mère, qu’Élisabeth, contre toute attente serait mère, elle va chanter la gloire de Dieu. Deux mères pour deux naissances hors normes.

Élisabeth loue Marie et Marie loue le Seigneur. Élisabeth rend grâce au Seigneur en rendant grâce pour Marie. C’est notre démarche, notre marche : suivre, prier Marie, la chanter car en elle et par elle le Seigneur a fait et fait des merveilles. Par elle, notre prière va jusqu’au Seigneur.

La marche

La marche : cela ne veut pas seulement dire « mettre un pied devant l’autre. » « Ça marche » veut dire : ça va bien, ça fonctionne, c’est bon, pas de problèmes. A côté de la marche physique, il y a une marche spirituelle et cela nous intéresse car peut-on marcher sans que quelque chose ait changé ? Marcher, c’est toujours quitter un lieu pour un autre, pour aller ailleurs sans savoir ce qui peut se passer pendant la marche et sans savoir ce qui se passera au terme car on peut toujours avoir des surprises. Marcher est naturel car c’est un raccourci de la vie, on va d’un point à un autre. Décider de faire une marche n’est jamais neutre, il y a toujours une raison, peut-être insoupçonnée.

On parle de la marche de l’histoire qui est liée au temps et à la succession et l’accumulation des évènements.

Et dans cette histoire de l’humanité en marche, il y a la marche du peuple hébreux, du peuple de Dieu, du peuple choisi. Pour connaître la joie d’être à nouveau chez eux, en terre de Canaan, ils ont vécu tant d’épreuves. Ils ont marché, longtemps, péniblement avec l’accueil de la loi du Seigneur au Sinaï, la manne pour les nourrir, la nuée qui les guidait, mais avec tant de souffrances, de cris vers le Seigneur, d’abandons jusqu’à construire un veau d’or. Cette marche a été si rude après tant d’années d’esclavage. Une marche à travers un désert. Était-ce seulement un désert géographique ? La traversée du désert pour connaître enfin le but : le pays des ancêtres que le Seigneur avait donné à Abraham, Isaac et Jacob.

Dans le nouveau testament, il est question de la marche de Marie et Joseph vers Bethléem, de la fuite en Égypte, du retour d’Égypte, de la montée à Nazareth, du pèlerinage à Jérusalem, du retour à Nazareth.

Et, des années plus tard, Jésus marchera sur les routes de Palestine :

« Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères. »

« Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé. »

« Les disciples étaient en route pour monter à Jérusalem ; Jésus marchait devant eux. »

« Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. »

 « Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. »

« Jésus parcourait toutes les villes et tous les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité. »

« Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant. »

« Après cela, Jésus parcourait la Galilée : il ne voulait pas parcourir la Judée car les Juifs cherchaient à le tuer. »

Il est clair que Jésus a parcouru les chemins de la Palestine pour annoncer le règne de Dieu.

Il a toujours voulu avancer, aller ailleurs : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

La vie du Christ a été une marche incessante. Bien sûr « Il s’assit, ses disciples s’approchèrent et il leur dit », mais tout de suite après, il faut reprendre la route.

L’Évangile est une route, une avancée, une marche qui bouscule, qui fait cheminer, se remettre en question.

La marche des béatitudes

« Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. » Il s’assit mais il va leur dire quelque chose de dynamique :

« Heureux les pauvres de cœur. » Oui, mais, écoutez :

« En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux ! »

« En marche, les endeuillés ! Oui, ils seront réconfortés ! »

« En marche, les humbles ! Oui, ils hériteront la terre ! »

« En marche, les affamés et les assoiffés de justice ! Oui, ils seront rassasiés ! »

« En marche, les matriciels ! Oui, ils seront matriciés ! »

« En marche, les cœurs purs ! Oui, ils verront Elohîms ! »

« En marche, les faiseurs de paix ! Oui, ils seront criés fils d’Elohîms ! »

« En marche, les persécutés à cause de la justice ! Oui, le royaume des ciels est à eux ! »

« En marche, quand ils vous outragent et vous persécutent, en mentant vous accusent de tout crime, à cause de moi. »

Cette traduction est celle d’André Chouraqui, ancien maire adjoint de Jérusalem, grand spécialiste des 3 religions monothéistes et connaissant parfaitement bien sûr la langue hébraïque. Nous sommes habitués à entendre : « Heureux » Le mot heureux est un mot statique. Le mot hébreux contient une racine dynamique qui est rapportée par les exégètes nous expliquant aujourd’hui les écritures :

« Le terme grec correspondant, « makarios », est souvent traduit par « bienheureux », mais aussi par « en marche .».

Comment concilier cela ? Le terme « en marche » a l’avantage de véhiculer une dynamique, une espérance, un but. Aussi nous proposons une synthèse : « en marche les bienheureux ! » (sous-entendu vers le royaume de Dieu) ou « sur la route du bonheur » (qui conduit au royaume de Dieu).

Nous retrouvons d’ailleurs cette pensée de dynamique, cette marche en avant, dans plusieurs passages :

« Là, il y aura une chaussée, une voie qu’on appellera « la Voie sacrée ». L’homme impur n’y passera pas – il suit sa propre voie – et les insensés ne viendront pas s’y égarer. Là, il n’y aura pas de lion, aucune bête féroce ne surgira, il ne s’en trouvera pas ; mais les rachetés y marcheront.»

Or le mot hébreu que l’on traduit couramment par ‘heureux’, et probablement en grec par ‘macarios’, est ‘ashar’. Et ‘ashar’, ah ! ‘ashar’ c’est impossible de le limiter au mot ‘heureux’ ou ‘bienheureux’, ‘ashar‘ contient l’idée de marcher, d’avancer, aller de l’avant. C’est donc une vision très dynamique du bonheur. Est heureux celui qui avance, celui qui marche. »

Marcher avec Marie

Nous allons marcher avec Marie, faire une marche, pas un pèlerinage au sens habituel du terme.
Faire un pèlerinage, c’est, la plupart du temps, après une organisation par les pèlerins eux-mêmes, un diocèse ou une association, partir en groupe, même si on peut être pèlerin seul, et rester avec ce groupe tout le temps que dure ce pèlerinage et ce temps peut durer plusieurs jours, pensons à un pèlerinage en Terre Sainte. Le groupe reste le même tout le long du pèlerinage. Faire un pèlerinage, c’est aller dans un lieu particulier où il s’est passé quelque chose, une apparition, un message quelconque, là où il y a une relique, là où a vécu tel saint, là où a vécu le Christ. On vient dans un endroit précis souvent pour demander quelque chose, ou rendre grâce. On vient dans un lieu fixe. Faire un pèlerinage, c’est marcher vers et non marcher avec et nous allons marcher avec Marie. En pèlerinage on ne marche jamais avec une statue pendant un si long temps. Ce que nous allons vivre peut-être appeler marche plus que pèlerinage, même si il y a un aspect pèlerinage.

Nous allons marcher avec Marie et dans notre foi chrétienne, et surtout dans notre foi catholique, nous ne pouvons pas faire autrement.

« A Jésus par Marie », parce que c’est elle qui nous a donné Jésus. Nous ne pouvons pas agir sans elle car nous ne pouvons rien et nous ne sommes rien sans notre mère. Il n’y a pas d’enfant sans sa mère, il n’y a pas d’enfant sans mère. Les chrétiens l’ont compris au cours de siècles et les apparitions de Marie viennent appuyer cette importance de la dévotion à la mère du Christ au long des âges.

Nous marchons et marcherons avec Marie vers Jésus, car, bien sûr, c’est Jésus le but de notre vie et le but de tout, l’alpha et l’oméga. « C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui » écrit saint Jean dans son prologue.

Saint Paul écrit dans lettre aux Colossiens :

« Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature :

En lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. »

Mais, écrit à juste titre saint Louis-Marie Grignon de Montfort : « Marie étant la plus conforme à Jésus-Christ de toutes les créatures, il s’ensuit que, de toutes les dévotions, celle qui consacre et conforme le plus une âme à Notre-Seigneur, est la dévotion à la Très Vierge, sa Mère, et que plus une âme sera consacrée à Marie, plus elle le sera à Jésus-Christ. »

Alors que nous vivons des temps difficiles, dans l’Église, dans notre pays, dans le monde, je vous invite à vivre l’espérance avec Marie, mère de l’espérance. Elle s’est tenue debout au pied de la croix.

Et nous vivons des croix. Devant ce qui se passe dans l’Église, certains écrivent des articles ou même des livres sur la fin du Christianisme. Quelques jours avant la mort de Jean-Paul II, au chemin de croix au Colisée, commentant la 6ème station, le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, disait ceci :

« Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Église nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons ! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Église : en elle aussi, Adam chute toujours de nouveau. Par notre chute, nous te traînons à terre, et Satan s’en réjouit, parce qu’il espère que tu ne pourras plus te relever de cette chute ; il espère que toi, ayant été entraîné dans la chute de ton Église, tu resteras à terre, vaincu. Mais toi, tu te relèveras. Tu t’es relevé, tu es ressuscité et tu peux aussi nous relever. Sauve ton Église et sanctifie-la. Sauve-nous tous et sanctifie-nous. »

Mais Marie se tenait debout, « Stabat Mater », la Mère était debout.

C’est avec conviction que nous allons marcher pour faire connaître celle qui a tenu jusqu’au bout, la mère de l’espérance. Qu’elle soit la joie et le réconfort de tous et d’abord de nous-mêmes.

Pauvres pécheurs que nous sommes, prions Marie d’intercéder pour nous près du Seigneur. Prions avec Paul Claudel, converti devant la statue de Marie à notre Dame de Paris le 25 Décembre 1886, au chant du Magnificat :

« Il n’y a pas d’ami sûr pour un pauvre
S’il ne trouve un plus pauvre que lui.
C’est pourquoi, viens et regarde Marie.
Ah ! Lorsque tout vous manque
Et que vous êtes vraiment trop malheureux,
Viens à l’église et regarde la mère de Dieu.
Quelle que soit l’injustice contre vous
Et quelle que soit la misère,
Lorsque des enfants souffrent
Il est encore plus malheureux d’être leur mère. »

Que Marie soit la joie et le réconfort de tous ceux qui marcheront à ses côtés, de tous et d’abord de nous-mêmes.

« Magnificat »

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